Base Adresse Nationale: à côté de la plaque ?

Moins d'un an après la rédaction de ce billet de blog,
la BAN est là et sous licence libre !

A comme Adresse ou A comme Arlésienne ?
 
Dans un billet récent, je pestais contre le Groupe La Poste et sa posture opendata-esque qui relevait de l'imposture.
Cette vieille maison, toujours incapable de diffuser librement en 2014 ne serait-ce qu'un fichier de référence des codes postaux créé en 1972.
Cette maison est aussi associée à une autre vénérable maison pour constituer la Base Adresse Nationale sur un modèle décrit, documenté, initié par le CNIG il y a plus de 12 ans. Vu le retard pris, ce projet de "BAN" a été relancé par l'Afigéo il y a 2 ans, sans grand succès malheureusement.
 
Bref, depuis si longtemps on parle de constituer une Base de donnée des Adresses, une base de données collaborative où tout les acteurs impliqués (et ils sont nombreux) pourront participer à la mise à jour, la correction et l'enrichissement de ces données... mais on a surtout fait des réunions et des rapports (pour constater le retard et voir "comment on fait") ou des annonces (pour faire patienter ?).
 
Pour l'instant, les deux protagonistes nationaux (Poste et IGN) n'ont su se mettre d'accord que pour se partager le gâteau. Car, si ces données existent, ça n'est pas pour être librement partagées et utilisées, mais au contraire pour être vendues alors qu'elles sont essentielles à de nombreux pans de l'activité économique mais aussi parfois (et même souvent) vitales.
Les services d'urgence ont par exemple besoin de localiser précisément et rapidement les personnes qui appellent les secours. Aussi, depuis des années, ceux-ci se sont recréé leurs propres données adresse, et les mettent à jour eux-mêmes car il n'est pas question d'attendre un an ou deux pour avoir des mises à jour, car oui, les adresses ça vit et ça meurt, comme les gens.
Ce travail supplémentaire mobilise dans de nombreux SDIS plusieurs pompiers qui régulièrement font ce travail de relevé et de mise à jour... en lieu et place des services dont c'est en principe le métier (l'IGN). Du coup, les pompiers "partagent" ce travail, mais uniquement avec l'IGN (englué par les Conditions d'Utilisation)... qui ne repartage pas sauf exception.
Mais les SAMU en ont besoin aussi, n'importe quelle ambulance peut en avoir besoin tout comme les services du gaz ou de l'électricité aussi, mais aujourd'hui, au XXIe siècle, troisième millénaire, tout le monde ou presque fonctionne "en silo". Chacun refait à peu près la même chose que son voisin, sans son voisin plutôt que de tous faire ensemble.
 
Ubuesque ! Pire même... au sein de la même entreprise, par exemple... le Groupe La Poste. On y trouve au moins 3 bases adresses, constituées par des "silos" différents (le courrier, les colis, la pub), mises à jour en parallèle avec tous les coûts annexes que cela induit.
La Poste vend sa base d'adresses, j'imagine que ça doit lui rapporter un peu, mais a-t-elle déjà fait le compte de ce que lui coûte le fait que l'on n'a pas accès à un vrai service (sans passer par une macro Word 2007 !) pour vérifier des adresses librement, automatiquement et surtout en masse avant l'envoi de courriers et colis ?
 
300 millions de lettre et colis reviennent chaque année à leur expéditeur (dixit le rapport du CNIG)... pour un coût souvent double au retour qu'à l'aller. Au tarif lettre le moins cher ça nous fait 300 millions d'euros par an. J'espère que la vente des adresses rapporte au moins ça sinon merci de relire la phrase précédente et d'en tirer vous-mêmes les conclusions évidentes.
 
Pendant ce temps (rappelez-vous: 12 ans)... au Danemark... une base d'adresses nationale a été constituée, son processus de création sur 7 ans a coûté 20 fois moins que les économies directes engendrées sur la même période, c'est-à-dire 63 millions d'euros. L'économie nette annuelle est depuis de l'ordre de 10 millions d'euros. En extrapolant sur la France vous pouvez multiplier ces chiffres par 5 10 (10 fois plus d'adresses en France). Cette base est libre et gratuite. Elle est maintenue à jour collaborativement et de plus en plus riche en informations "métier".
De l'autre côté de l'Atlantique, les États-Unis ont pris comme engagement que l'ensemble des données adresses disponibles serait librement accessible d'ici un an (mi 2015). Un catalogue collaboratif a même été constitué pour identifier l'ensemble de ces données.
En Espagne toutes les données du cadastre (donc les adresses) sont en opendata depuis plusieurs années.
 
A... comme Action !

Le collaboratif et la donnée géographique... c'est tout le cœur d'un projet comme OpenStreetMap et voici un peu plus d'un an, suite à une discussion avec l'Afigéo, nous avons compris l'aspect prioritaire et essentiel de cette donnée, mais aussi que les choses n'avançaient pas sur ce sujet et qu'il n'y avait aucune raison que cela change après 12 ans d'avancées plus que timides. Une sorte de défi à relever pour aller un peu plus loin que nos cartes !
 
Pour un projet comme OSM, les adresses sont un élément indispensable si l'on veut par exemple calculer un itinéraire... car il faut bien trouver les points de départ et d'arrivée. Le géocodage (passage d'une adresse à une position géographique, voire l'inverse) est en effet le lien de nombreuses données non géographiques vers le monde réel, bien géographique.
 
Depuis, nous avons frappé aux portes pour collecter cette donnée essentielle. Quelques portes se sont ouvertes, des données ont été mises en opendata par différentes grandes agglomérations (au total moins de 1 million d'adresses), mais trop rares pour être suffisantes. Une demi-douzaine de départements ont mis à disposition les plans cadastraux informatiques dont ils avaient financé la vectorisation. Grand merci à eux, mais malheureusement insuffisant là aussi pour penser à l'échelle nationale.
 
Nous avons donc creusé le sujet de notre côté, à notre façon, en nous appuyant sur une source autorisée depuis 2009 pour le projet OpenStreetMap à savoir: le cadastre. Cet accès autorisé au cadastre nous a permis par exemple après 5 ans de travail de fourmis de reconstituer avec précision les limites administratives des 36681 communes* (métropole et DOM), faisant d'OSM la seule source libre à ce niveau de détail... et à jour !
Quelques semaines ont donc été passées par une petite équipe bénévole à transformer notre outil qui jusque-là n'extrayait que les formes des bâtiments, pour lui faire extraire ce qui nous intéressait c'est-à-dire les adresses.
 
B... comme BANO
 
Ce projet, nous l'avons nommé BANO, pour Base d'Adresses Nationale Ouverte.
 
La première pierre a été symboliquement posée durant la conférence annuelle d'OpenStreetMap France, début avril à Paris. Ce sujet a occupé une partie importante de notre journée destinée en priorité aux collectivités et entreprises (voir les vidéos en ligne), puis un atelier de travail s'est organisé lors de cette même conférence. L'intérêt et les retours très positifs nous ont poussé à mettre les bouchées doubles.
 
Qu'est-ce que BANO ? Comment est-elle constituée ? A partir de quelles sources ? Comment collaborer ?
 
 
 
 * oui, depuis mon billet sur le nombre de communes, la fusion de Bihorel et Bois-Guillaume a été annulée au 1er Janvier 2014... le GEOFLA 2014 sera peut être disponible en novembre si il suit la tendance des années passées.